Christian Alle

Il n’appartient pas au monde de l’industrie, mais il fait partie ou plutôt il faisait partie du corps militaire, aujourd’hui il est à la retraite. En temps que chef de poste, il fut attaché à la surveillance, au sauvetage, à la détection des signaux de détresse. Au sémaphore de Saint-Vaast -la-Hougue, les périodes de veille comptaient jusqu’à 17 heures pendant la saison estivale, aussi pour ne pas sombrer dans l’ennui fatal d’un lieutenant Drogo, il allait dans les blockhaus et récupérait de vielles plaques d’acier oxydé sur lesquelles il intervenait avec de vieux crayons gras destinés au suivi radar des navires « sur les écrans de verre ». Affecté à la vigie du port de Cherbourg-Octeville, dans l’attente d’un événement qui ne survenait pas, il a réalisé, en « employant » la standardiste, quelques 300 petits formats de 8x8cm composés de cartes marines périmées ainsi que de bouquins oubliés par des appelés du contingent trop pressés de regagner la vie civile. Sur ces assemblages, il a reproduit et détourné les signes de l’alphabet international, pour répondre peut être à sa propre détresse? Il a pu également, avec le consentement de sa hiérarchie (il était ceci dit, lui même officier), monter un atelier poterie et un atelier photographique dont il fut à la fois l’animateur et pour ainsi dire le seul participant. Enfin, détaché de la Marine Nationale en direction du CROSS (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage) de Jobourg* qui dépend de la Direction Régionale des Affaires Maritimes, autrement dit le DRAM, cela ne s’invente pas, ça vous tombe dessus comme une calamité; toujours en proie à l’ennui, il a réalisé, avec les moyens du bord, des fanzines: « le journ’Alle » aujourd’hui abandonné et « Nada-Zéro » consacré à l’Art Postal (en réseau international) qu’il édite encore à ce jour. Un étrange souci de communiquer qui, au delà de son tempérament enthousiaste et très enjoué; trahit sans doute les sentiments de solitude à scruter l’horizon désert, les silences radio, les R.A.S ou les nada-zéro. *Christian nous rapporte cette amusante anecdote: « A l’occasion d’un reportage sur les CROSS. Un peu avant le déluge de journalistes, photographes, preneurs de sons, cameramen, le directeur du Centre vint à moi et, me voyant les bras croisés, me dit :- Surtout, dites leur bien que ce n’est pas parce que vous ne faites rien que vous ne travaillez pas!
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